torsions

qu’en serait-il de nous sans le soleil, se demanda la Justine, et dire que le Patrice prétendait qu’il n’aimait que le froid et les brumes, il s’est jeté d’un pont, un gros plouf sarcastique dans le Doubs un matin gris et venteux, qu’en serait-il de nous sans la pluie, marmonna pour lui-même le Francis au cours de sa promenade, courbé sous la canicule, ces derniers jours Mick Jagger, Emmanuel Macron et Jean-Paul Malin s’en étaient allés, l’âme supposée légère, le Francis se rappelait que Jean Cocteau et Édith Piaf s’étaient libérés de leurs démons le même jour, ironie du sort, et Jean-Louis Murat il y a quelques mois, ça les avait touchés, la Justine et le Francis, la Charlotte n’en avait guère été émue,

oui, à quoi bon toutes ces photos, aussi inutiles qu’un caillou dans la chaussure, l’essentiel était ailleurs, d’abord dans l’assiette de la Justine et de la Charlotte, dans le sommeil du Francis, dans le silence du cimetière, ainsi allaient les vies, inutiles, mais puisqu’ils étaient en vie, la Justine et la Charlotte et le Francis, ils pouvaient s’aimer entre deux disputes, ils pouvaient faire toute sorte de siestes en tout lieu qui les accueillait, ils n’écoutaient pas les mêmes musiques, avaient des opinions radicalement différentes sur la marche du monde, mais ils déjeunaient ensemble, partageaient les mêmes pains que le Fabien avait préparés,

l’auteur de ces lignes se posait de temps en temps les mêmes questions, mais les réponses lui importaient peu, c’était des questions dérisoires, il se posait d’autres questions tout aussi inutiles, c’était la curiosité qui le faisait avancer, jour après jour, la curiosité, et cela englobait l’univers entier, le pôle sud de la Lune autant que le cher pays de son enfance, c’était beaucoup, l’auteur de ces lignes avait aussi été touché par la mort de Christian Bobin, chaque jour la rubrique nécrologique des journaux était remplie de faire-parts rédigés par des familles inconnues, d’anciennes vies minuscules, comme aurait dit Michon, qu’en serait-il de nous sans la Lune, sans l’étoile polaire, sans le Mont-Blanc ?

Auteur : Francis J

Écrivain photographe ou photographe écrivain

2 réflexions sur « torsions »

  1. No matter how small the lives are, each or almost each would deserve a Pierre Michon to tell it: Vie minuscules 🙂

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